La première fois que j’ai entendu parler de la conférence new-yorkaise Hackers on Planet Earth, ou HOPE – quel acronyme ! –, c’est sans doute en 2010. L’orateur annoncé pour la keynote du 17 juillet était un certain Julian Assange. La vidéo « Collateral Murder » – qui montre un hélicoptère Apache américain ouvrant le feu sur un groupe de civils, dont deux reporters de l’agence Reuters, lors du raid aérien de 12 juillet 2007 à Bagdad – avait été dévoilée en avril par WikiLeaks ; la source, Chelsea Manning (alors Bradley), avait été arrêtée en juin ; les premiers documents secrets sur la guerre d’Afghanistan, les Afghan War Logs, étaient sur le point d’être publiés. Assange, objet de toutes les attentions de l’administration US, n’avait pas fait le déplacement, remplacé par Jacob Appelbaum1, déjà connu comme l’une des figures publiques du projet Tor (dont il a démissionné cette année, suite à des accusations de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viol).
La deuxième fois que j’ai entendu parler de HOPE, c’était par Mitch Altman, figure du mouvement maker, aussi remarquable par ses qualités de pédagogue (il faut le voir apprendre la soudure à des gamins) que par son extrême gentillesse. Impossible, en l’écoutant, de ne pas avoir envie d’y mettre les pieds. Mitch a eu à HOPE sixième du nom, en 2006, une sorte d’épiphanie, comme il me le racontait il y a trois ans lors d’un autre rassemblement de hackers, aux Pays-Bas : « C’était la première fois de ma vie que je me retrouvais dans un groupe en me sentant complètement à l’aise, complètement chez moi. »
Été 2016 : direction New York, donc. Pour dix jours de vacances, dont trois de conférence, du 22 au 24 juillet, au cœur de Manhattan.
HOPE est un cas particulier : elle se situe moins dans la lignée des grandes conférences US dédiées au hacking – telles DEF CON ou Black Hat, quasi exclusivement dévolues à la sécurité informatique, et qui font historiquement la part belle aussi bien aux entreprises qu’aux structures gouvernementales, de la Darpa à la NSA – que dans celle des rassemblements européens, beaucoup plus distancés des institutions et du secteur privé (HOPE s’est d’ailleurs inspirée de la Galactic Hacker Party organisée en 1989 aux Pays-Bas), et beaucoup plus politiques2. On y trouve, peu ou prou, le même genre de thématiques et de public qu’au congrès annuel du Chaos Computer Club, même si l’affluence y est bien moindre (3000 personnes cette année, quand le Chaos Communication Congress dépassait les 10000 participants en décembre 2014). Mais de la même manière que New York est, dans sa singularité, profondément américaine, HOPE a son caractère propre. Dans l’ambiance, le style, les tropismes, on sent qu’on a bien traversé l’Atlantique.
- En quoi on pourra trouver cette série de tweets émis par le compte officiel de WikiLeaks au mieux tâtillonne, au pire d’une remarquable mauvaise foi. ↩
- L’anthropologue Biella Coleman explique très bien cette différence, qui tient à la place des hackers dans l’appareil économique. ↩